« La vie est une vague et à nous de la surfer en acceptant toutes les phases sans perdre le cap. »
Raconte-nous ton parcours.
Tout commence à la fin du lycée. J’ai toujours eu une appétence pour le domaine médical, depuis toute petite. Je pars alors en médecine avec une idée très précise en tête : devenir médecin urgentiste. J’échoue le concours de la première année à deux reprises malgré ma détermination.
Je ne savais pas quelle orientation choisir. Je décide de partir en bio un peu à reculons avec un retour en première année. La conseillère d’orientation m’avait dit que j’allais retrouver l’aspect médical…en réalité uniquement le côté théorique !
Mes études étaient rythmées par des temps en laboratoire, des pipettes, des paillasses, des protocoles, des théories…. Et c’est là que je me suis sentie perdue. Ça ne me plaisait pas…
A la fin de la première année, j’ai dit à mes parents que je n’aimais pas ce que je faisais. Ils m’ont demandé ce que je voulais faire. Mais je n’en savais rien. Alors ils m’ont dit de continuer encore une année.
En deuxième année, j’ai terminé majeure de promo et j’ai eu la chance de partir à Miami dans un laboratoire pour travailler sur la relation entre VIH et AVC, sujet passionnant. C’était une expérience incroyable !
Malgré ce merveilleux stage, ce n’était toujours pas ce que je souhaitais faire. Les cours étaient intéressants mais je manquais de contact avec le patient. J’étais à 1 an du diplôme donc mes parents m’ont poussé à continuer et à ne pas baisser les bras.
La 3ème année fut déterminante dans ma transition. J’ai effectué un stage avec le Professeur Philippe Connes au Laboratoire interuniversitaire de la biologie et de la Motricité pour travailler sur la drépanocytose et la déformabilité des globules rouges. J’ai rencontré des personnes qui m’ont parlé d’APA (Activité Physique Adaptée). Et tout a pris sens.
J’ai décroché ma double licence (génie biologique avec le CNAM et assistante ingénieure laboratoire), puis je me suis réorientée : direction STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) pour devenir EAPA (Enseignante en Activité Physique Adaptée).
Pour moi (comme pour beaucoup), STAPS était la voie pour devenir prof de sport, et en réalité il n’y a pas que cette orientation.
J’ai directement intégré la 3ème année car j’avais déjà un niveau licence. La majorité de la promotion venait de secteurs totalement différents. Il y avait aussi bien des danseurs que des pompiers. Le principal était d’avoir des connaissances scientifiques de base et une pratique sportive. Le recruteur était très ouvert aux profils qui ne venaient pas de STAPS car il disait que c’était une grande richesse pour accompagner les personnes après.
J’ai découvert le monde du sport adapté au contact des personnes, loin de mes pipettes et paillasses et j’étais la plus heureuse.
À la fin de l’année, j’ai obtenu la carte d’éducatrice sportive, mais après seulement 1 an de formation stricte en STAPS, je ne me sentais pas de me lancer dans la vie active tout de suite. J’ai décidé de poursuivre en Master IGAPAS pour faire de la gestion et de l’intervention en activité physique adaptée. Et cela m’a beaucoup apporté : des connaissances, de l’expérience avec les stages ainsi que des rencontres !
J’ai réalisé un stage de 4 mois en milieu carcéral psychiatrique au Vinatier en Master 1 où j’ai fait de l’initiation au yoga pour des détenus. L’objectif était de mesurer leur stress en début et en fin de séance.
Je me suis rendu compte que pour des personnes qui avaient des problèmes psychologiques, le yoga pouvait procurer de nombreux bienfaits.
Par ailleurs, j’ai réalisé ma dernière année en alternance au Centre Ressource Lyon où j’ai mis en place un dispositif APA avec un modèle d’évaluation pour témoigner de l’évolution des bénéficiaires.
Entre temps je suis devenue accompagnatrice en Marche Nordique, Professeure de Yoga Vinyasa et dernièrement professeure de Yin Yoga.
J’ai également monté ma micro-entreprise qui s’appelle EQUILOX.
Qu’est-ce que l’enseignement en Activité Physique Adaptée exactement ?
C’est une pédagogie particulière qui cible un public éloigné de la pratique.
L’objectif est d’utiliser la pratique physique pour développer des ressources (reprendre confiance en soi, retrouver une tonicité dans le corps, gérer ses émotions via l’activité physique…).
L’APA s’adresse à un public très large : aussi bien à quelqu’un qui a une entorse à la cheville, qu’au sénior qui est sédentaire, à la femme enceinte ou encore à des personnes avec un syndrome autistique…c’est très large. Toutes les personnes éloignées de la pratique qui ont besoin d’un accompagnement personnalisé pour savoir comment bouger, à quelle intensité, à quelle fréquence, et quoi faire pour répondre à ses besoins.
Par exemple, quand une personne apprend qu’elle a un cancer et qu’elle doit suivre des traitements, c’est un vrai tsunami ! Et on veut éviter que la personne entre dans un cercle vicieux : je pratique moins, j’ai moins confiance en moi, je prends du poids, je perds du muscle et je m’isole.
L’objectif est de transformer ce cercle vicieux en cercle vertueux : je sors un peu, je fais une activité physique adaptée à mes capacités du moment, je suis fièr(e) de moi, j’ai un peu plus faim, je retrouve de la force, je perds un peu de masse grasse et je retrouve l’envie de partager des moments d’échanges avec d’autres personnes.
Trouver une certaine motivation pour comprendre que via l’activité physique et donc via notre corps, notre maison, on peut faire de nombreuses choses. Dès l’instant que l’on peut respirer, on peut faire simplement des exercices de respiration et ce sera toujours mieux que rien.
Le corps et l’esprit sont liés. Si on appréhende ses traitements avec un état d’esprit positif, j’ai tendance à croire que la personne s’en sortira mieux ou que ce sera plus facile pour elle. Et ce malgré les traitements qui fatiguent beaucoup et qui peuvent diminuer la motivation.
Or, il est prouvé scientifiquement que pratiquer une activité physique régulière de minimum 30 minutes par jour 5 fois par semaine en évitant 2 jours consécutifs sans pratiquer permet de diminuer de 30% la fatigue. Ce n’est donc pas négligeable.
Pour quelles raisons as-tu voulu devenir enseignante en APA ?
Le sport fait partie intégrante de ma vie. Je fais du sport tout le temps pour me sentir bien, pour me vider la tête, et ce depuis l’enfance.
Aussi, je suis une personne qui a besoin de parler, de bouger, de conseiller et quoi de mieux qu’utiliser l’activité physique pour développer les ressources des personnes éloignées de la pratique.
Alors devenir enseignante en APA était le moyen d’utiliser ma passion pour le sport pour des personnes qui ont besoin de se mettre en mouvement.
Quelle est la différence avec un coach sportif ?
Le coach sportif est plutôt dans une démarche de performance. Moi pas du tout.
Je travaille sur le triptyque biologique-psychologique-social.
Tu es aussi formée à l’enseignement du yoga. Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir professeure de yoga ?
Avant de proposer l’initiation au yoga auprès des détenus, cela faisait déjà 2 ans que je pratiquais pour moi et que j’avais compris les mécanismes, l’amplitude et la respiration. Je savais que je pouvais faire beaucoup de choses avec le yoga dans mon activité professionnelle.
C’est une pratique qui « pose » le mental et, je retrouve dans le yoga ce que j’aimais en gymnastique : la souplesse, les exercices d’équilibre, la coordination et la concentration qui me permettent de me recentrer sur moi.
Pourquoi as-tu eu envie de développer une activité entrepreneuriale ?
J’avais envie d’amener de l’activité physique adaptée chez les personnes qui ne pouvaient pas se déplacer.
Il y a ceux qui viennent en club ou en asso, et ceux qui restent chez eux et qui sont sédentaires. Je pense que personne ne devrait vivre la sédentarité. Tout le monde devrait comprendre l’importance de se mettre en mouvement.
J’ai donc décidé de créer ma micro-entreprise pour amener l’activité adaptée au domicile des particuliers.
Que signifie le nom de ta société : EQUILOX ?
Équilibre et Oxygène.
Pour moi rien n’est plus important que de trouver son Équilibre professionnellement, personnellement, socialement, familialement, amoureusement…c’est le travail d’une vie.
Et Oxygène pour ce merveilleux mécanisme qui se passe automatiquement sans avoir à contrôler quoi que ce soit et qui fait que nous sommes en vie.
Tu cumules plusieurs jobs. En quoi consistent tes différentes activités aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je partage ma semaine entre 3 activités.
Je travaille à temps partiel en CDI au Centre Ressource Lyon en tant que Coordinatrice. Avoir un poste salarié m’apporte une certaine sécurité.
En parallèle, je suis prestataire indépendante à l’hôpital dans un service d’oncologie spécialisé en neurologie, pneumologie et gynécologie. Mon rôle est de sensibiliser, évaluer et intervenir auprès des patients atteints de cancer.
Je commence par une sensibilisation en chambre sur les bénéfices de l’APA, suivie d’un bilan avec des tests physiques et psychologique pour identifier les besoins, envies et capacités des patients. Nous co-construisons le programme en APA à travers différentes disciplines pour développer leurs ressources comme la confiance en soi.
Je commence aussi à voir quelques patients à domicile sur le restant de ma semaine avec une volonté de développer cette partie de mon travail : apporter l’Activité Physique Adaptée aux personnes ne pouvant se déplacer.
Quel est ton secret pour réussir à cumuler ces 3 activités ?
Pour moi les maîtres mots sont l’organisation et l’anticipation pour avoir le temps de faire face aux imprévus.
De quoi as-tu eu besoin pour te lancer ? Quelles ont été les étapes de ton projet ?
Pour me lancer j’ai eu besoin d’une bonne dose de courage et de motivation pour mener à bien les différents projets.
J’ai été beaucoup soutenue par ma famille et par mon copain qui m’aide sur le plan administratif et gestion de la microentreprise. Bien qu’aujourd’hui, je tiens les reines seule (avec une supervision régulière quand même !).
Tout d’abord j’ai réfléchi à ma cible, comment je voulais tourner mon projet, la gestion, la création des outils et enfin trouver les clients afin de présenter le projet et conclure des partenariats.
Qu’est ce qui t’a aidée dans ton parcours ? Sur quelle(s) qualité(s) ou ressource(s) t’es-tu appuyée ?
La persévérance et l’adaptabilité ont fait de moi la fondatrice d’EQUILOX.
Je pense aujourd’hui pouvoir dire, que rien n’est inutile, que tout s’explique peut-être plus tard mais nous ne perdons jamais de temps.
Toutes mes études m’ont apporté des connaissances sur bien des sujets et qui font qu’aujourd’hui j’aborde les problématiques avec un recul que j’ai développé pendant 8 années.
Quelles difficultés et quelles joies as-tu rencontrées depuis que tu es entrepreneure ?
J’ai accompagné une personne en soins palliatifs. Cela a représenté une réelle difficulté dans la préparation des séances mais finalement une réelle joie quand nous constations ensemble une diminution des douleurs ressenties par exemple.
J’ai aussi fait du basket adapté avec une personne tétraplégique en fauteuil roulant avec commande mentonnière. Il faisait partie intégrante de l’équipe, c’était incroyable !
Il y a de très beaux moments et de belles progressions des patients, comme de vraies tristesses et des pertes de patients. Cela fait partie de la vie. Au moins, je suis là pour apporter une bulle de positif dans des moments parfois complexes.
Quelles sont selon toi les qualités essentielles pour entreprendre ?
La motivation, l’adaptabilité, l’anticipation, l’ouverture d’esprit et la sincérité.
Et toujours croire en ce que l’on dit et en ce que l’on fait.
Quelles sont les difficultés d’une reconversion selon toi, et comment les dépasser ?
Affronter ses peurs de se retrouver dans le vide parfois, en suspend d’autres fois, d’accepter les phases de « moins » pour profiter à fond des phases de « plus ».
La vie est une vague et à nous de la surfer en acceptant toutes les phases sans perdre le cap. Si on le fait, on sait pourquoi on le fait.
Qu’est-ce que tu te dis en regardant ton parcours aujourd’hui ?
En regardant le chemin parcouru, j’éprouve beaucoup de fierté.
Ce n’était pas un chemin facile, avec des envies d’abandon parfois mais j’ai été bien entourée et je suis allée jusqu’au bout pour ne jamais rien regretter.
Je vois mon lancement dans l’entrepreneuriat comme un élan dans ma vie pro et un grand bon dans ma maturité professionnelle.
J’avais tout à gagner et peu à perdre. Au pire, je me plante et je rebondirai.
Si c’était à refaire, je referais tout de la même manière. Je crois au hasard, aux opportunités et aux rencontres.
Quels sont tes projets et tes rêves pour la suite ?
Une vie de famille à l’Océan pour faire du yoga, du surf thérapie et permettre aux personnes avec des difficultés physiques ou mentales de découvrir la force de l’eau et l’équilibre sur une planche de surf.
Que conseillerais-tu à une femme qui souhaite se reconvertir mais n’a pas encore osé franchir le pas ?
De foncer bien sûr. ONE LIFE.
La vie est trop courte pour se poser trop de questions.
Il en faut un peu mais il faut surtout avancer aux battements de notre cœur. Suivre son instinct.
Et si on se casse la figure, on aura tenté. Le pire dans la vie c’est le regret.
Ta citation favorite
« Petit à petit, l’oiseau fait son nid.»
Accepter que les choses arrivent progressivement et adapter nos capacités physiques et mentales pour en apprécier la finalité et le chemin.
Redonne du sens
à ta vie pro !
Un accompagnement personnalisé pour mieux te connaître, construire un projet qui te ressemble et passer à l’action pour enfin kiffer ton job !
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